« Dakar, métamorphoses d’une capitale », de Carole Diop et Xavier Ricou : péril en la demeure dakaroise

« Dakar,métamorphoses d’une capitale »,de Carole Diop et Xavier Ricou,L’Aube,351 p.,30 €.

A force de voir disparaître de Dakar les bâtiments qui ont forgé leur imaginaire,de les voir remplacés par la même architecture sans qualité qui fleurit partout,de Shanghaï à Dubaï en passant par la banlieue parisienne,Carole Diop et Xavier Ricou ont souhaité consigner la mémoire de leur ville dans une monographie. Tâche herculéenne s’il en est,tant la documentation manque sur le sujet – le livre de référence,qu’ils citent dans leur introduction,Dakar,métropole ouest-africaine,thèse de géographie du ministre Assane Seck,date de 1970 (IFAN). Mais le résultat est à la mesure de l’ambition de ces deux architectes et de l’amour qu’ils portent à la bouillonnante capitale sénégalaise.

Dakar naît officiellement en 1857,le jour où Auguste-Léopold Protet,commandant de ­Gorée,plante le drapeau français à la pointe de la presqu’île du Cap-Vert. Des villages de pêcheurs s’étaient développés là à partir de la fin du XIVe siècle,quand le peuple lébou commença à s’y installer. Serment fut alors fait que cette contrée,qu’ils baptisèrent Ndakaaru,continuerait d’accueillir et de protéger tout fugitif qui viendrait s’y installer.

L’histoire de la ville se déplie au gré d’une série d’articles splendidement illustrés,où architecture et urbanisme sont envisagés comme des émanations de la culture,de l’économie,de la politique,de la démographie,du climat,de la technique… Le dernier chapitre,consignation de 450 bâtiments et sites remarquables qui se présente comme un « catalogue raisonné » de ce millefeuille de strates sédimentées qu’est le tissu urbain dakarois,pourrait constituer le socle d’une future politique patrimoniale.

Incontinence urbaine

L’ancienne capitale de l’Afrique-Occidentale française s’y révèle en un grand nuancier de formes occidentales teintées d’influences vernaculaires,et vice versa. Un chapitre est consacré au style néosoudanais qui matérialisa,au début du XXe siècle,un virage politique de la puissance coloniale. Le basculement d’une doctrine assimilationniste à un principe dit d’« association » exigeait de trouver des alternatives architecturales aux styles métropolitains (Art déco,industriel,néobasque,néogascon,néoprovençal…) que l’on importait directement jusqu’alors.

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