Une artisane travaille sur un sac en cuir,dans l’atelier de maroquinerie Hermès,à Louviers (Eure),le 6 avril 2023. LOU BENOIST/AFP Combien un maroquinier est-il rémunéré ? Une couturière ? A cette question,aucune marque de luxe ne répond avec précision. Ni Chanel. Ni Longchamp. Hermès évoque « un salaire d’entrée largement au-dessus du smic ». LVMH avance qu’un artisan du cuir touche « une rémunération de 30 % supérieure au salaire moyen d’un maroquinier en France ». Sans plus de détails. Mais chacun fait valoir combien ces revenus sont majorés par le versement de primes,d’intéressements et de participations.
« Chez LVMH,un artisan salarié peut [ainsi] toucher jusqu’à l’équivalent de six mois de salaire en plus »,assure Alexandre Boquel,directeur des métiers d’excellence. La rémunération des salariés Hermès peut « atteindre jusqu’à l’équivalent de dix-sept mois de salaire »,en cumulant treizième mois,participation,intéressement et prime exceptionnelle (4 000 euros en 2023 et en 2024,après 3 000 euros en 2022),précise la marque,qui dit n’éprouver aucune difficulté à recruter.
Les sous-traitants sont,eux,plus nuancés. Car,à l’évidence,ces derniers peinent à embaucher. « Le salaire,c’est fondamental,évidemment. On ne peut pas juste pleurer que personne ne veut venir travailler chez nous ! »,reconnaît Amedi Nacer,PDG de Thierry-Fonlupt,PME de prêt-à-porter de luxe. Or,les salaires des ouvriers œuvrant chez les partenaires de Chanel,d’Hermès et autres Louis Vuitton sont inférieurs à ceux,précisément,pratiqués dans les usines que ces marques détiennent.
Et ces salariés sont une main-d’œuvre-clé. « La sous-traitance,c’est la moitié des 40 000 employés de la maroquinerie »,selon la CGT. « Le salaire moyen d’un maroquinier est alors de 100 euros environ au-dessus du smic [1 801 euros brut] »,rapporte un responsable du syndicat,en requérant l’anonymat par « crainte de mesures de rétorsion ». Et il est courant qu’après « treize ans d’expérience une opératrice touche 1 520 euros net »,selon une employée d’un fabricant de sacs,toujours sous le couvert d’anonymat.
« Obligés d’être compétitifs »
Dans la confection,en sous-traitance,le premier bulletin de paie est aussi « de l’ordre du smic »,d’après Sylvie Chailloux,dirigeante de Textile du Maine. Mais après « cinq ans d’expérience »,une opératrice peut devenir « prototypiste pour un salaire de 2 000 à 2 500 euros »,dit-elle.Dans cette industrie ultra-rentable,la disproportion entre les prix stratosphériques des biens vendus et les salaires au smic heurte. D’autant que la plupart de ces ouvriers disposent d’un savoir-faire hors du commun. « Non,ce n’est pas normal,reconnaît M. Nacer. Avec quinze ans d’expérience,une couturière devrait être rémunérée à la hauteur de ce qu’elle mérite,c’est-à-dire plus de 2 200 euros net,contre 1 950 euros actuellement. »
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