Les neuroatypiques bouleversent la société du spectacle

L’enregistrement de l’émission « Les Rencontres du Papotin »,avec Clara Luciani,le 7 octobre 2024,à l’Institut du monde arabe,à Paris. CHA GONZALEZ POUR « LE MONDE » On l’a vue virevolter et se pavaner dans sa longue robe blanche sur le tapis rouge du dernier Festival de Cannes,souriante et fière. Marie Colin était l’une des stars d’Un p’tit truc en plus,la comédie d’Artus devenue véritable phénomène avec près de 11 millions d’entrées. Une actrice atypique,porteuse de trisomie 21,comme on en voit encore peu au cinéma. « C’était moi la star,c’était magnifique »,se souvient-elle quatre mois plus tard,pas encore tout à fait descendue de son nuage. Les flashs,les autographes,les interviews,rien de tout cela ne l’a vraiment déstabilisée : « Je n’étais pas du tout intimidée ! »,clame-t-elle. Il faut dire qu’à 52 ans cette comédienne professionnelle est loin d’être une jeune première ; elle est même la plus ancienne membre de la compagnie du Théâtre du Cristal,qui accueille à plein temps quinze comédiens en situation de handicap.

Derrière le succès inattendu de ce film,il y a dans le monde de la culture et du divertissement des dizaines de structures,de troupes ou de collectifs qui travaillent avec des artistes comme elle,qui ont un truc pas tout à fait comme les autres. On pourrait le résumer au handicap mental,mais le terme est réducteur et sous-entend une déficience,quand il s’agit surtout d’une différence,une façon de voir et de comprendre le monde en décalage avec ce que l’on considère comme la norme.

Ceux qui sont impliqués dans ce milieu depuis longtemps ne croient pas au grand soir ou à un événement qui fera tout changer. On se souvient du Huitième Jour,un film qui racontait l’amitié entre un businessman désespéré et un jeune homme porteur de trisomie 21,qui avait aussi connu un franc succès et offert à ses acteurs principaux,Daniel Auteuil et Pascal Duquenne,le Prix d’interprétation masculine à Cannes,en 1996. Sans faire franchement bouger les lignes sur le sujet du handicap et de l’art. Au contraire,le contrecoup peut être difficile,reconnaît Vincent Chalambert,l’un des acteurs d’Un p’tit truc en plus : « On a atteint le monde des stars,c’est rare,c’est éphémère. »

Diagnostiqué porteur d’autisme dans l’adolescence,le jeune homme de 29 ans aux cheveux grisonnants,qui se décrit comme quelqu’un de « très renfermé »,a déjà trois autres longs-métrages à son actif. Malgré cela et sa « fierté » de voir le succès du film d’Artus,« il y a encore des gens fermés,réticents »,regrette-t-il. Il marque une pause avant de citer un exemple tout simple : « Dans les transports,il arrive que les gens changent de place pour ne pas être assis à côté de moi. » Pour autant,les choses évoluent,lentement,mais sûrement,et le cinéma tout comme les Jeux paralympiques de Paris contribuent à faire changer le regard,selon l’expression consacrée. Ils habituent nos yeux à voir la performance et l’émotion avant le handicap.

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