La requête s’était glissée dans le flot des appels et des e-mails reçus par plusieurs clubs de football de Ligue 1,à l’aube de la saison nouvelle. Une banale mise à jour bancaire,requérant du club qu’il redirige les émoluments d’un joueur de leur équipe vers un nouveau compte en banque,assurait Patrick Montiel,se présentant comme l’agent sportif du joueur. Un nouveau venu dans le métier,dont l’identité,rappelant,à une lettre près,celle d’un célèbre commentateur d’athlétisme,aurait dû susciter la méfiance.
Pourtant,en ce début de saison 2017,trois clubs de football (Angers,Sochaux et Toulouse) sur la douzaine contactée selon le même mode opératoire,baissent leur garde et virent les salaires demandés (63 586 euros au total),sans se douter qu’ils enrichissent ainsi un faussaire,qui transférera sur-le-champ les fonds en Bulgarie et à Malte.
La vérification des adresses IP associées aux relevés d’identité bancaire mène les services de police sur une piste saugrenue : une société nommée « Dépannage Maintenance frigorifique »,installée à Marseille. En épluchant les comptes,transactions et échanges téléphoniques associés à cette entreprise,l’affaire des faux agents prend une autre ampleur. Les investigations,menées sous l’égide de la juridiction interrégionale spécialisée de Nancy,vont dévoiler un système d’escroquerie basé sur la fausse promesse de placements mirifiques dans les diamants ou aux bitcoins,actif entre 2016 et 2018,dont le préjudice est évalué à plus de 28 millions d’euros.
Rois du démarchage
Le palais de justice de Nancy serait bien trop exigu pour accueillir les plus de 800 parties civiles – sur plus de 1 300 victimes estimées – qui demandent des comptes aux vingt-deuxprévenus dans ce dossier,baptisé « Carton rouge ». C’est dans le centre des congrès de la ville que se tiendra,à partir de lundi 21 octobre et jusqu’au 15 novembre,le procès en correctionnelle de ce réseau d’aigrefins,qui comparaît notamment pour escroquerie et blanchiment en bande organisée.Si l’arnaque aux agents sportifs a précipité la chute des escrocs,leur système le plus établi,et le plus rémunérateur,avait pour vitrine légale une dizaine de sites Internet consacrés à la vente de diamants. Des « actifs tangibles »,des « valeurs refuges » pouvant offrir des « rendements exceptionnels » de 6 % à 8 % par an,vantaient ces sites,bardés de logos rassurants,indiquant les chiffres mensongers de « 25 000 clients satisfaits »,« quinze années d’expérience » et une activité dans « 152 pays ».
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