« Face à la puissance des Gafam, poursuivons la mise en capacité d’agir du plus grand nombre sur le numérique »

Sur le Campus alpin,à Bourg-Saint-Maurice (Savoie),qui permet de suivre des formations à distance en évitant l’isolement,le 17 septembre 2024. PABLO CHIGNARD POUR « LE MONDE » Docteur en droit public,enseignant et secrétaire général du Conseil national du numérique,Jean Cattan analyse la stratégie de la France face aux défis démocratiques soulevés par le numérique.

France très haut débit,New Deal Mobile,French Tech,France 2030,Open Data… Les plans gouvernementaux de soutien à l’inclusion numérique ont-ils créé un « numérique à la française » ?

Chacun de ces programmes œuvre pour la mise en capacité d’agir du plus grand nombre.Cela marque un tournant très favorable en France,mis en évidence par Sébastien Soriano dans son ouvrage Un avenir pour le service public (Odile Jacob,2020).Ainsi,le plan France très haut débit,lancé en 2013,ou encore le New Deal Mobile,signé par les opérateurs télécoms en 2018,ont renversé le rapport traditionnellement descendantque peut avoir l’Etat avec les acteurs locaux et économiques pour leur donner du pouvoir.

Un événement plus récent a renforcé ce mouvement : à l’issue des confinements,le rôle joué par certains citoyens dans le déploiement de portails numériques liés au Covid aencouragé l’Etat à soutenir les initiatives citoyennes contribuant aux missions de service public. L’accélérateur d’initiatives citoyennes de la Direction interministérielle de la transformation numérique ou encore la réserve citoyenne du numérique,en cours de constitution,qui font toutes deux écho à des idées portées par Paul Duan [un entrepreneur social],vont dans ce sens.

Mais beaucoup reste à faire : les problèmes d’accessibilité sont loin d’être réglés et le numérique a également une grande responsabilité dans la fragmentation de notre société autant que dans sa mise sous contrôle. C’est pourquoi il est urgent d’engager un réel débat sur la relation de l’Etat administratif avec les citoyens et de faire du numérique lui-même un objet de démocratie.

Quelles sont les priorités pour l’avenir ?

La montée en puissance depuis 2018de la démarche Numérique en commun[s],destinée à « construire un numérique d’intérêt général »,donne à voir les bienfaits de la mise en cohésion des acteurs locaux,à laquelle œuvrent au quotidien l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT),la Mednum (coopérative de médiation numérique) et tant d’autres acteurs. La feuille de route « France numérique ensemble »,établie en 2023,doit fournir les fondations de cette mise en synergie.

La France investit peu à peu le champ des communs numériques,ces ressources numériques produites,gérées et gouvernées par des communautés d’utilisateurs.Il en va ainsi de la Forge des communs numériques éducatifs et de ses 1 300 projets,du déploiement au sein de l’Etat de logiciels libres comme BigBlueButton (logiciel de visioconférence) ou de PeerTube dans toutes les académies (partage décentralisé de vidéos). Autant de projets qui doivent beaucoup au travail des agents de la direction du numérique éducatif et qui indiquent une voie à suivre.

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