Margrethe Vestager,vice-présidente de la Commission européenne chargée de l’adaptation de l’Europe à l’ère numérique et commissaire à la concurrence,donne une conférence de presse au siège de l’Union européenne,à Bruxelles,le 10 septembre 2024. (Photo by Nicolas Tucat/AFP) NICOLAS TUCAT / AFP Margrethe Vestager s’était « préparée à la défaite ». « La victoire m’a fait pleurer »,s’est réjouie la commissaire à la concurrence après que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a donné raison à la Commision européenne contre Apple,mardi 10 septembre. L’Irlande a « accordé à Apple une aide illégale que cet Etat est tenu de récupérer »,a précisé la Cour,ajoutant que ce jugement est « définitif ». Concrètement,le groupe de Cupertino doit rembourser 13 milliards d’euros à Dublin au titre d’avantages fiscaux indus,dont il a bénéficié,entre 2003 et 2014,et qui sont bel et bien assimilables à une aide d’Etat illégale.
Dans cette affaire,la Danoise,qui,après dix ans à la Commission,doit quitter ses fonctions d’ici à la fin de l’année,jouait une grande part de son héritage. Lors de son premier mandat,entre 2014 et 2019,Mme Vestager s’était lancée dans un combat acharné contre l’évasion fiscale des multinationales qui profitaient largement des régimes fiscaux accommodants du Luxembourg,des Pays-Bas,de la Belgique ou encore de l’Irlande. Qu’importe que la politique fiscale relève des compétences nationales,la « tax lady »,comme l’avait rebaptisée avec mépris l’ancien président américain Donald Trump,avait ouvert de nombreuses enquêtes,jugeant qu’il y avait là des aides d’Etat illégales.
Depuis,la justice européenne lui a souvent donné tort. La chaîne de café américaine Starbucks,le groupe automobile Fiat,l’énergéticien français Engie ou encore le géant américain de la vente en ligne Amazon ont vu les décisions de la Commission à leur encontre annulées. L’affaire Apple,la plus emblématique de par les montants en jeu – 13 milliards d’euros –,semblait,elle aussi,mal engagée. En 2020,le tribunal de l’Union européenne (UE),saisi par la firme à la pomme et l’Irlande,avait,en première instance,cassé la décision de 2016 de la Commission.
Feuilleton judiciaire
Dans ce contexte,Margrethe Vestager,que l’on avait connue si offensive,a perdu de sa pugnacité. Durant son second mandat,la commissaire à la concurrence a délaissé son combat contre les avantages fiscaux des multinationales,en attendant que la justice aille à son terme. « Ces dernières années,la Commission s’est montrée très réticente à regarder des cas qui auraient mérité de l’être »,affirme Benoît Le Bret,associé du cabinet Gide Loyrette Nouel et spécialiste du droit communautaire.En novembre 2023,Margrethe Vestager avait repris espoir lorsque l’avocat général de la Cour de justice de l’UE,auprès de laquelle la Commission avait fait appel,a considéré qu’en 2020 le tribunal avait « commis plusieurs erreurs de droit »,et demandé que l’affaire Apple soit rejugée sur le fond. Le jugement de mardi vient clore ce feuilleton judiciaire de huit ans et permet à la commissaire de partir la tête haute.
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